03 Oct Musique & patrimoine
Arts manuels et musique étaient réunis en l’église Saint Gall à l’occasion des journées du Patrimoine.
Les décors religieux et floraux, sculptés dans le bois par Gérard, les vitraux lumineux de Berthe, les peintures de l’atelier de Claude accueillaient le public dès l’entrée de l’église. Tout autour de la nef, des patchworks, mosaïques de couleurs, de formes et de motifs, confectionnés par des passionnées du village sous la houlette de Gaby, accrochaient le regard. A n’en pas douter, la vallée regorge de talents !
Le quatuor Florestan, quatuor à cordes émanant de l’Orchestre Philamornique de Strasbourg, la chorale paroissiale Sainte Cécile dirigée par Marie-Anne Pfeiffer et l’orgue tenu par René Burger assuraient la partie musicale de la soirée.
C’est une pièce de Jean-Philippe Rameau, transcription du psaume 83, « Beati qui habitant in domo tua », interprétation choeur et orgue, qui débuta le concert. Ce compositeur, dont 2014 marque le 250ème anniversaire de sa mort est le grand représentant du baroque français.
Le quatuor proposait « la traversée d’un siècle à Vienne » de la fin du 18ème avec Schubert et Mozart jusqu’au début du 20ème avec Fritz Kreisler.
Le « Quartettsatz », premier mouvement d’un quatuor inachevé de Franz Schubert, inaugure la série des grands quatuors à cordes du musicien autrichien. Composé en 1820, lors d’une période douloureuse où l’artiste se cherchait, il n’a pas été mené à terme comme nombre de ses oeuvres de cette époque. Angoisse et tourments transparaissent dans un climat tragique, presque funeste, avec des notes heurtées. Les cordes frémissent, le final est abrupt.
Changement total d’ambiance avec le quatuor en sol majeur, sous-titré « Le printemps », composé à Vienne en 1782 par Mozart en hommage à son aîné, Joseph Haydn. Empli de joie et d’allégresse, mais aussi de gravité, cette pièce reflète tout le génie mélodique du compositeur. Le premier mouvement est enlevé, moment gracieux, tel un menuet. Puis, dissonances alternent avec harmonie, calme avec intensité et fébrilité, touchant le corps et l’âme. Expressive, tour à tour légère et grave voire mélancolique, c’est une musique toute en nuances. Les archets tressautent sur les cordes, les notes s’envolent, les musiciens font corps avec leur instrument.
Choeur et quatuor se répondent ensuite dans la célèbre cantate de Bach « Jésus que ma joie demeure », preuve supplémentaire qu’une modeste chorale paroissiale peut se hisser à la hauteur des grandes !
En final, les instrumentistes firent découvrir « Fantasia », l’unique quatuor à cordes composé à Vienne par Fritz Kreisler, célébrissime violoniste virtuose né en 1875 et qui a parcouru le monde en interprétant d’innombrables pièces de salon qu’il écrivit pour son instrument. En 1921, il compose une oeuvre plus sérieuse pour quatre instruments, oeuvre dont le quatuor Florestan a donné la première en Alsace lors de ce concert.
Cette composition, qui se situe hors des sentiers battus, fait résonner des harmonies inattendues. Aux notes aigües, presque sifflantes du violon, succèdent les accents graves du violoncelle, joués avec les doigts. Puis, vient l’apaisement; on se laisse bercer et porter par la mélodie qui s’éteint tout doucement. Mais à nouveau les notes saccadées alternent avec des moments plus paisibles, croissant en intensité. Le violoncelle impose encore ses notes graves, le rythme est lancinant, jamais ennuyeux. Les instruments dialoguent, la mélodie, aux accents de musique de film, devient touchante, quelquefois implorante. Le dernier mouvement, alerte, gai, vivace, donne envie de fredonner et de danser, c’est l’ambiance viennoise, celle d’un bal de la cour. Et, peu à peu, la musique devient un ruisseau qui coule et déroule ses méandres.
Ce concert qui marquait le retour du quatuor Florestan dans la vallée, était donné gracieusement au bénéfice de la restauration de l’orgue et des vitraux du choeur de l’église.
Texte : Lucienne Fahrlaender
Photos : Evelyne Kammerer & Charles Fahrlaender
Autour du Quatuor Florestan
Pourquoi le nom de Florestan ? Explication toute musicale: Schumann, le compositeur allemand, signait des critiques de concert sous deux pseudonymes: Florestan, quand la critique était élogieuse; Eusébius, dans le cas contraire.
Les musiciens composant le groupe sont tous les quatre issus de l’Orchestre Philarmonique de Strasbourg. Ce n’est pas chose aisée que d’intégrer cet ensemble prestigieux: quelque 30 candidats pour un poste de violoniste, environ 150 pour une place de flûtiste. Les études sont longues, dans différents conservatoires, souvent à l’étranger. Sylvie, second violon, a ainsi passé 3 ans à Hessen, puis 2 à Mannheim. « J’ai commencé le violon à l’âge de 8 ans, mes parents n’étaient pas musiciens et moi, je ne connaissais que la variété. A 15 ans, motivée par un professeur très enthousiaste, j’ai décidé d’en faire ma profession. Après le bac, je me suis entièrement tournée vers la musique. L’enseignement est très technique »
Pour préparer un concert, chacun travaille sa partie. « Nous répétons beaucoup, mais jamais assez. Lors d’une création, nous nous retrouvons tous les jours pendant 2 semaines. »
Les programmes sont construits autour d’un thème, souvent en fonction des saisons. « Nous avons un partenariat avec l’Opéra National du Rhin et le Couvent des Dominicains à Strasbourg. Chaque année, nous proposons un concert-lecture (poème ou conte) autour de Noël en abordant une culture différente. Cette année, nous avons choisi l’Angleterre. »
La formation, au gré des pièces choisies, prend parfois la dimension de quintette ou de sextuor, avec le concours d’un piano, d’un autre instrument à cordes ou d’un chanteur.