La fabuleuse épopée des Sarap

La fabuleuse épopée des Sarap

Du simple bricolage à la naissance de voitures étonnantes

Jean-Jacques Wehrung, Francis Dillenseger et Hubert Denilauler

Jean-Jacques Wehrung, Francis Dillenseger et Hubert Denilauler

Dimanche 24 juillet à partir de 9h, a eu lieu un rassemblement de voitures anciennes au stade de Breitenbach. Parmi les vieilles mécaniques, des invitées d’honneur, les Sarap qui ont ainsi retrouvé  les lieux où elles ont été conçues et fabriquées à l’origine et leurs descendantes, les Buffalo Sarap.

« Au début, ce n’était qu’un amusement! Nous n’avions pas d’objectif précis » se rappelle Francis Dillenseger. Lui, expert en mécanique et André Koenig, son cousin, branché sur l’aérodynamisme, bricolaient tous les soirs dans un vieux hangar agricole à la sortie du village. C’était au milieu des années 60. Les jeunes de la vallée défilaient quotidiennement, curieux, admiratifs ou férus de moteurs. Francis rêvait bien de fabriquer une voiture de course, mais André avait en tête de construire des avions. « A 14 ans, il collectait des bouts de ferraille. Autoditacte et avant-gardiste, il passait ses soirées à éplucher bouquins et documents. Ce qui m’énervait, c’est qu’il pouvait bosser et lire en même temps. » se souvient Francis. Plus tard, André a pu réaliser son rêve, un avion a vu le jour à Breitenbach et a pris son envol. L’aéronautique est d’ailleurs un domaine dans lequel il a excellé par la suite.
Peu à peu, à force de tâtonnements et de discussions, un projet un peu fou émerge: en 1966, avec 3 autres jeunes du village dont Hubert Denilauler, apprenti chaudronnier et pas encore 17 ans à l’époque, ils se lancent dans la fabrication de leur propre voiture de compétition. André, le cerveau, trace les plans; Francis s’occupera de la carrosserie et de la mécanique. Pour compléter l’équipe, un soudeur et un ébéniste. Hubert raconte: « A l’entrée du hangar se trouvait une scie circulaire qui servait à tout, même de bureau ou de planche à dessin ». Francis renchérit: « J’ai fait de la peinture; on a mis une toile pour que la poussière du foin entreposé au grenier ne tombe pas ».

SARAP 701 réalisation automne 1969

SARAP 701 réalisation automne 1969

Au bout d’un an, une première maquette grandeur nature en contre-plaqué et mastic est exposée lors d’un salon artisanal et industriel à Obernai. La presse se montre enthousiaste, n’hésitant pas à parler des « sorciers de Breitenbach ». L’industriel Menzer, désireux d’acquérir un modèle, pousse le groupe à poursuivre.
La maquette servira de gabarit pour élaborer un moule en polyester de la carrosserie. Déception! « Trop fragile, il est resté accroché. Il fallait recommencer » explique Francis. Leurs efforts aboutissent et en 1967, le premier bolide, la 67-1 franchit la porte en bois de l’atelier après 11 mois de travail acharné.
Ligne fluide et effilée, éléments mécaniques empruntés à la Renault 8, « pare-brise d’une Panhard CD en guise de lunette arrière », mais sans aucun confort (« ça ne nous préoccupait pas »), la nouvelle-née plaît et incite pilotes nationaux et internationaux poussés par la curiosité à venir l’admirer.

Jugement unanime: il faut continuer et commercialiser!

L'une des premières SARAP (1968)

L’une des premières SARAP (1968)

Sarap 701 achevée par un client

Sarap 701 achevée par un client

 

 

Une production à plus grande échelle nécessite de meilleures conditions de travail.
L’équipe loue une usine textile désaffectée à Colroy la Roche. Le 1er janvier 1969 naît la SARAP (Société Alsacienne de Recherche et d’Application des Plastiques). Désormais, les futurs modèles seront vendus en kit. A l’acheteur de monter sa voiture selon ses goûts et ses moyens. Une vingtaine de kits trouvent preneur.
Roland Beilé, jeune pilote amateur et publiciste de talent propose de prendre en charge la promotion jusque là inexistante. De retour d’un séjour aux USA, il a pris conscience de l’essor Outre-Atlantique du phénomène buggy, flaire le bon filon et dit à André: « Si tu veux gagner de l’argent, tu prends le châssis de la SARAP 701, tu y adaptes la coque d’un buggy et moi, je commercialise ». Ca marche! 1970 marque la naissance du premier buggy Buffalo. Des tests impitoyables sont passés avec succès, l’engin se montre d’une robustesse à toute épreuve, les essais sont flatteurs, les commentaires élogieux…les commandes affluent. Revers de la médaille: la berlinette Sarap est remisée aux oubliettes.
Mais c’était sans compter sur Jean-Jacques Wehrung, fondateur et actuel président de l’Amicale Buffalo-Sarap. Déjà lycéen, ce dernier se dit « amoureux de cette voiture anti-conformiste et farfelue ». Evidemment, son premier salaire sera englouti par l’achat d’un Buggy!

Sarap Buffalo d'époque

Sarap Buffalo d’époque

Sarap buggy buffalo actuel

Sarap buggy buffalo actuel

 

 

 

 

 

 

 

 

Le voilà aussi lancé dans des recherches pour découvrir les origines de son petit bijou, et, de fil en aiguille, il apprend l’existence des Sarap.  » Dans les années 80, personne ne s’y intéressait plus. L’histoire d’un constructeur automobile né de la passion et de l’acharnement d’une poignée de jeunes Alsaciens risquait de s’achever dans l’indifférence la plus totale ».
Quant à la fabrication des Buffalo, elle sera touchée de plein fouet par le choc pétrolier consécutif à la guerre du Kippur en 1973 et ne s’en remettra pas. Après de multiples rebondissements, la production est abandonnée. Au final, 600 exemplaires auront été vendus.
Jean-Jacques Wehrung s’est attaché à la rédaction d’un ouvrage relatant dans ses moindres détails l’histoire des Buffalo-Sarap, ouvrage dont la publication est prévue en 2017.
Dimanche 24 juillet, c’est également lui qui a présenté et commenté un montage audio-visuel basé sur des documents d’époque et relatant cette fabuleuse épopée.

De retour au bercail

L’un des modèles Sarap 681 dort depuis quelques années dans un garage à Breitenbach, chez l’un de ses constructeurs, Francis Dillenseger.
Histoire singulière que ce retour dans le village où elle a été fabriquée!
Olivier, le fils de Francis, résolu à faire à son père une surprise pour ses 60 ans se met en quête via E-Bay de l’un des premiers exemplaires de la voiture. Beaucoup de chance, un côté émotion en jouant sur le retour aux sources, il arrive à convaincre un Bordelais de lui vendre le précieux véhicule. « Il y avait du monde sur les rangs » précise Francis.
A l’origine, cette Sarap appartenait à un photographe rémois qui en a fait cadeau à une danseuse d’un cabaret parisien. Celle-ci l’a revendu en Corse.
« C’est à Bordeaux que nous sommes allés la chercher en remorque, mais elle aurait encore le droit de rouler » affirme son heureux propriétaire.

Sarap avec Francis et Hubert

Sarap avec Francis et Hubert