Au coeur de l’été

Au coeur de l’été

L’été s’est désormais inscrit au calendrier, et les récentes pluies ont, in extremis, redonné quelque énergie à une végétation malmenée par la sécheresse et les chaleurs d’un printemps atypique.

À l’heure où vous lirez ces lignes, la cueillette des cerises sera largement achevée, un peu gâchée par la pluie pourtant attendue qui a provoqué une rapide dégradation des fruits. Il ne reste plus guère que quelques griottes (Sürkerscha), ou cerises aigres (photo 1), très abondantes cette année et dont les usages sont multiples : distillation (on en obtient une eau de vie très délicatement parfumée, n’est-ce pas mon voisin Paul ?), tartes, confitures, sirop, à l’eau de vie… D’autres fruits commencent à se former : les discrètes noisettes sur les lisières (photo 2)… d’ailleurs vous souvenez-vous peut-être des photos que nous avions faites de leur floraison hivernale ? . Les noix, elles aussi, sont déjà bien formées et seront abondantes cette année (photo 3). Jadis, on en cueillait quelques-unes le jour de la St-Jean d’été, lorsque le soleil est au zénith de sa course annuelle, pour les faire macérer dans le vin ou l’alcool. Le village compte encore un certain nombre de ces arbres majestueux, même si nous y atteignons la limite supérieure d’altitude de cet arbre. Le noyer, au 19 ème siècle, fournissait alors l’essentiel de l’huile domestique consommée dans les ménages. Les cerneaux, séchés et décortiqués, étaient alors pressés en hiver sur une petite meule installée au moulin des Hirsten , en aval du village.
Paradoxe de la nature, alors que ces arbres mûrissent déjà leurs fruits, certains autres ne sont encore qu’en floraison ! C’est le cas du châtaignier, particulièrement abondant autour du village et dont l’actuelle floraison émet matin et soir une odeur particulièrement prégnante. Rappelons que cette essence a été introduite par les Romains, en même temps que la vigne pour laquelle elle produit des échalas. Le châtaignier atteint en Alsace sa limite septentrionale, ne supportant guère les grands froids hivernaux (décollement du coeur). La floraison du châtaignier est spectaculaire, colorant de jaune toute la forêt. Sur un même rameau, voisinent les fleurs mâles, longs chatons couverts de pollen (photo 4) et les fleurs femelles (photo 5) à l’architecture si originale. Cette floraison est particulièrement appréciée par les abeilles… et les apiculteurs, les miellées étant souvent abondantes, produisant un miel particulier, quelque peu âpre, mais réputé pour ses vertus cardiovasculaires.

Du côté des fleurs, l’essentiel s’est déjà évanoui avec les chaleurs précoces, et il faut monter quelque peu en altitude pour bénéficier de jolies floraisons. Certaines sont évidemment banales, telle la rose Bistorte (photo7), qu’enfants nous appelions « Zahnberschtel » (= brosse à dents) en raison de sa morphologie. En bordure des chemins ou dans les prés, on gagnera à regarder la jolie mauve (Malva silvestris) aux teintes et nervures délicates (photo 8). Abondante est également la centaurée (photo 9) (Centaurea jana ou montana) qu’on veillera à ne pas confondre avec son cousin le bleuet (Centaurea cyanus), devenu rare dans la vallée avec la raréfaction des champs de céréales, son milieu de prédilection.

Sur les lisières des forêts d’altitude, l’épilobe en épi (Epilobium angustifolium) débute sa spectaculaire floraison, essayant de ressembler quelque peu à l’une de nos plus belles fleurs alsaciennes, la fraxinelle (photo 11) (Dictamnus alba) qui fleurit en de rares sites, du château de l’Ortenbourg à certaines collines haut-rhinoises du vignoble. Sur les pelouses rases du Champ du Feu, les campanules aux couleurs vives (photo 12) attirent l’attention, tout comme les pensées multicolores (photos 13 à 15), unies ou panachées, qui forment de grandes plaques colorées dans le gazon, entre les fleurs d’arnica qui commencent à s’épanouir (photo 16). De grâce, ne les cueillez pas, elles ont sérieusement régressé dans leur seule station bas-rhinoise, même pour la bonne cause, à savoir leur usage médicinal de teinture antitraumatique. Tout comme l’arnica, la digitale (photo 17) alimentait la pharmacopée populaire. Elle était cueillie et séchée (sur le grenier de l’église !) avant d’être vendue aux laboratoires pharmaceutiques pour ses vertus tonicardiaques. Même si la plante est largement répandue sur les lisières et les coupes forestières récentes, on sera toujours émerveillé par ses formes et ses teintes (photos 18 à 20).

Quant aux orchidées, elles sont désormais de sortie en altitude, le long des fossés du Champ du Feu, mais également sur un autre site récemment exploré (merci Hubert !), à savoir le stade de biathlon situé à quelques centaines de mètres du Col de la Charbonnière sur la route vers le Col de Steige (alt. 900-950m). Le site, à cheval sur les bans communaux de Breitenbach et Bellefosse , a été largement remanié pour la création des installations, et se sont ainsi créés des biotopes très favorables aux orchidées qui, ne l’oublions pas, sont des plantes pionnières. Samedi 26 juin, nous y avons relevé plusieurs centaines de Dactylo. maculata (photo 21), dont certaines de belle taille en raison de l’humidité du site, ainsi que de très nombreuses Platanthères (photo 22) tout autant développées. Maculata est une très jolie orchidée aux fleurons très esthétiquement décorés de sinuosités pourpres. L’espèce est très variable en couleurs, du blanc pur (photo 23) au rose pâle (photo 24) et au pourpre (photo 25) et en forme (labelles étalés ou repliés). Le site de la Charbonnière se distingue, en l’absence d’exemplaires albinos, par des labelles aux lignes colorées très marquées (photos 26 -27) sur fond blanc à pourpre. On revisitera avec curiosité et intérêt cette station au printemps prochain pour y inventorier, le cas échéant, les espèces de début de saison.

On ne s’étonnera pas que l’abondante floraison de ce début d’été en montagne soit particulièrement attirante pour le petit et très diversifié microcosme des insectes qui viennent s’y repaître de nectar sucré ou de pollen riche en protéines. Nous laisserons simplement au lecteur le plaisir d’admirer ces minuscules et grouillantes formes de vie : fourmis (photo 28), mouches (photos 29), guêpes (photo 30) ; coléoptères (photo 31), sauterelles petites (photo 32) ou grandes (photo 33), papillons multicolores (photos 34 à 36), sans oublier les très nombreux bourdons qui se laisseront facilement photographier ; ces gros pépères (photo 37) sont quasiment imperturbables lorsqu’ils butinent…

Permettez-moi, pour le simple plaisir des yeux, de vous offrir pour terminer, quelques fleurs glanées lors de mes dernières expéditions hors de la région : l’emblématique Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), l’orchidée la plus spectaculaire sous nos latitudes et photographiée ici en Côte d’Or (photo 38)…. de Bourgogne viennent également ces superbes Lys martagon (photo 39), que vous pourrez également trouver dans les Hautes Vosges. Du Luxembourg et de ses mines de fer désaffectées viennent ces Céphalanthères rouges (photo 40) du plus bel effet, cousines directes de celles qui fleurissent à Breitenbach. De Haute-Savoie enfin, je vous rapporte le superbe Lys de St Bruno (photo 41) présent sur les alpages, et la magnifique orchidée globuleuse (photo 42), assez rare dans le Massif vosgien….Bonnes vacances naturalistes à tous !