3 mars 2011

3 mars 2011

Les belles histoires de tonton Christian… Il était une fois, à Breitenbach bien sûr, une vieille ferme perdue dans la montagne, que même peu d’habitants du village connaissent encore. Aujourd’hui, je vous emmène à la ferme Vosgritt , à environ 650 m d’altitude, dans le vallon qui s’insère entre le sommet du Roffling (849m) et le Col de la Charbonnière (photo 1). Le randonneur pourra y accéder depuis la Kriegersmatt , ou encore par le chemin forestier (photo 2) qui s’engage depuis la route du Kreutzweg , juste au-dessus de l’ancienne carrière Koenig. Il vous faudra une petite heure de marche pour rejoindre cette ancienne ferme de montagne, désormais transformée en résidence secondaire estivale (photo 3), implantée dans une clairière pentue de moins de 2 ha exposée plein sud. L’endroit est pittoresque, calme à l’absolu, et recèle également un petit secret que les naturalistes se partagent avec parcimonie.

Par curiosité, j’y suis monté le samedi 19 février… temps couvert et très gris, mais douceur précoce comme les jours précédents… et la surprise fut totale ! En contrebas des bâtiments bien restaurés (photo 4), mais également en plusieurs autres endroits de la clairière, les nivéoles étaient déjà en pleine floraison, avec près d’un mois d’avance sur le calendrier moyen !

La nivéole (Leucoium vernum) (photo 5) est une fleur devenue rare à l’état sauvage. La Flore d’Alsace (bible publiée en 1952 lorsque la biodiversité était encore presque intacte) la signale dans quelques forêts humides de plaine, mais surtout dans les prairies et sous-bois vosgiens. Dans notre Val de Villé , on la connaissait également au sommet de l’Ungersberg et vers le Climont, mais ces stations n’ont pas résisté aux prélèvements destinés à agrémenter les jardins. La station de Vosgritt est donc peut-être la dernière naturelle de la vallée. On pourra soutenir cette affirmation, car ce biotope est caractéristique pour elle et la dispersion des plantes dans la clairière semble contredire une introduction.

Samedi 19 février donc… Nivéoles en fleurs, mais pas de bonne lumière pour la photo, surtout que le soleil ou la lumière disparaissent derrière le sommet du Roffling dès le début d’après-midi. (photos 6 – 7). Les jours suivants, retour de la neige et du froid. Le même photographe imagine le cliché absolu, la clochette coiffée d’un joli capuchon de neige !

Retour sur place au matin du mardi 22 février, dans un épais brouillard givrant. Catastrophe ! Tout est givré, y compris les chatons des noisetiers en fleurs (photo 8), les nivéoles sont toutes couchées, gelées, recouvertes de neige et de givre, un peu de pollen rougeâtre tachant les pétales immaculés qui semblent cuits par le froid (photos 9 – 10 – 11). Je suis triste de constater qu’un dernier sursaut de cet hiver bizarre aura eu raison de cette belle floraison, il est vrai prématurée.

Mercredi 23 février, retour du soleil qui entame la mince couche de neige et le givre. Rapide escapade près d’Espace Nature pour photographier les rosettes d’orchidées… et surprise, une touffe de perce-neiges, également anéantie la veille, commence à se redresser sous les rayons du soleil ! (photo 12) Pourquoi n’en serait-il pas de même pour nos nivéoles ? Un crochet par Vosgritt s’impose, et ce qui semblait miraculeux se confirme là aussi : encore chargées de neige et de givre, les nivéoles se redressent également, exemple frappant des facultés d’adaptation de la végétation aux vicissitudes du climat ! (photos 13 – 14 – 15)

Nos nivéoles ne sont donc pas mortes… je programme une nouvelle sortie sur place le dimanche 27 février pour confirmer le miracle de leur résurrection. Elles sont bien présentes, toute la neige a fondu, mais la météo est épouvantable… grosses averses de pluie glacée et de neige fondante. Une retraite au refuge Tannhutte est bienvenue, mais le photographe est frustré (photos 16-17).

Dès la fin du week-end, le beau temps est de retour, malgré une incisive bise d’Est. Dernière visite sur place le mardi 1er mars, sous le soleil revenu. Les nivéoles sont toujours en pleine floraison, certaines même encore fermées (photo 18), d’autres bien ouvertes présentent ainsi leurs étamines rouge-orangé qui tranchent sur la blancheur de la corolle (photos 19 à 22). Le randonneur curieux pourra donc encore les admirer pendant quelque temps (sans les cueillir et les piétiner bien sûr), et même découvrir les premières primevères (photo 23) déjà très précocement fleuries à cette altitude !

À quelques dizaines de mètres des nivéoles qui achèvent leur floraison, en lisière de forêt, un arbuste démarre la sienne. Jadis assez courant, il est désormais lui aussi devenu rare, souvent prélevé pour agrémenter les jardins. Le Bois Joli ou Bois Gentil (Daphne mezereum) se fait remarquer par une abondance de petites fleurs roses qui paraissent bien avant ses feuilles (photos 24-25) . Un peu plus haut, au bord d’un chemin forestier qui mène de la Tannhutte vers la Charbonnière, une apparition curieuse dans les cailloux : le Pétasite blanc (Petasites albus). Il se présente tout d’abord en forme d’oeuf écailleux, avant de développer de minuscules bouquets de fleurs blanchâtres (photos 25,26 et 27 ) ressemblant un peu à un bouquet de mariée ! Bonnes promenades !

Texte et Photos : C. Dirwimmer
christian.dirwimmer@estvideo.fr